Septembre 2014 : Amazing Canada, du Québec aux Rocheuses


La première réflexion que nous nous sommes faite lorsque nous avons pris la route pour traverser le Canada d'Est en Ouest, c'est "wow, que c'est grand !". Vraiment, nous n'avions pas conscience des distances dans cet immense pays. Il faut le vivre pour en prendre la mesure. Ici, les canadiens ne vont pas parler de nombre de kilomètres à parcourir mais plutôt du nombre d'heures de route pour rejoindre une destination. Et c'est donc après 10 jours de route que nous avons rejoint les Rocheuses Canadiennes après avoir quitté Montréal. 

 Retrouvez notre album de notre traversée du Canada, d'Est en Ouest !
Retrouvez notre album de notre traversée du Canada, d'Est en Ouest ici !

Du Québec à l'Alberta, en traversant l'Ontario, le Manitoba et le Saskatchewan, c'est 3500 kilomètres environ que nous avons parcourus, alternant entre routes goudronnées et pistes, mais toujours en direction du soleil couchant. Beaucoup de personnes nous avaient prévenus que l'on a tendance à s'endormir ou à s'ennuyer en traversant certaines régions. Jamais nous n'avons eu ce sentiment. Le parcours nous a offert tout du long de nombreuses surprises : champignons, faune, flore, paysages à couper le souffle... Nous avons eu le sentiment que ce n'est pas la route qui est venue traverser la nature mais que c'est bien la nature qui lui a offert une place... Dans la démesure d'un pays immense, avec des trains de plusieurs kilomètres de long, des camions à double-remorque et des camping-cars bus, c'est toujours la nature qui reste la patronne. D'ailleurs, peut-être que l'homme voyage avec de gros engins pour se sentir moins petit, moins vulnérable dans cette immensité canadienne... 

http://youtu.be/ZwRbTmOOu_g

Petit Dodge Ram 3500 TD 6,7 Litres Cummins... On ne peut que se sentir petit à côté...

Roulant économe et les yeux rivés sur le paysage qui se dévoile au fur et à mesure, nous faisons alors difficilement plus de 400 kilomètres par jour. Nous nous arrêtons toujours avant que la nuit tombe afin de nous trouver un endroit qui va être notre petit lopin de terre pour une soirée. Tous les soirs, nous avons réussi à trouver un lieu idéal pour s'installer au milieu de la nature, sans gêner qui que ce soit. Nous gênerons toujours les moustiques qui nous le rendent bien. Au bout d'un moment, il faut s'y faire et vivre avec leurs horaires. Dès qu'ils arrivent, il vaut mieux que nous soyons douchés et que nous ayons avalé notre repas chaud. Et à l'intérieur de la tente de toit, bien protégés par la moustiquaire, nous pouvons alors admirer certains soirs le ballet des libellules qui viennent se régaler de nos ennemis du jour ! 

Faire beaucoup de route, tous les jours, a tendance à nous rendre nerveux. Une petite pause va s'imposer à la moitié de notre parcours vers l'ouest. Le lac des mille lacs nous offre de bonnes perspectives de navigation et c'est l'occasion pour nous de gonfler enfin notre kayak qui attend depuis bien longtemps son heure sur la tente de toit. Entre l'ancien rameur et la kayakiste solitaire, un petit temps d'adaptation est nécessaire pour trouver le bon rythme pour pagayer efficacement ! Mais se retrouver au beau milieu de l'eau, admirer les battements d'ailes d'un aigle qui s'envole et écouter le clapotis des vagues ont pour nous deux un effet tellement apaisant pour reprendre la route en pleine forme le lendemain. 

Cap à l'Ouest avec Globe4x4 ! Ce jour-là un record : une piste en ligne droite sur plus de 80 kilomètres !

Nous avalons les kilomètres jour après jour. Même si nous nous régalons des paysages que nous traversons, il commence à nous tarder d'arriver quelque part où nous allons pouvoir nous établir quelques jours. Notre destination ? Les montagnes bien sûr ! Nous imaginons que nous les verrons arriver de loin tellement le paysage de plaines du Saskatchewan est sans relief. Mais elles se font désirer réellement sur la fin de notre traversée. 

Les voilà !


Enfin, après 10 jours de route, à 100 kilomètres d'elles, nous voyons apparaître les Rocheuses devant nous. Nous avons décidé de commencer par le Parc National des Lacs Waterton, tout près de la frontière avec les Etats-Unis. L'idée est de les traverser ensuite en remontant vers l'Alaska où notre premier rdv nous attend le 1er octobre prochain. Mes parents nous rejoignent à Anchorage pour partager deux semaines de pérégrinations ensemble et ils vont louer un véhicule sur place. 

Des noms à renommée internationale sonnent dans nos oreilles lorsque l'on parle des Rocheuses : Banff, Jasper... tant de hauts lieux de la montagne qui nous font vibrer et que nous avons hâte de découvrir, en vrai. Lorsque nous nous arrêtons enfin au cœur de ces montagnes, c'est une autre dimension qui s'offre à nous. Pour ceux qui connaissent les Pyrénées et en particulier Cauterets, imaginez des montagnes qui y ressemblent. Mais dans la même vallée que Cauterets, il vous faut aussi y caser Gavarnie et Ordesa tellement ces reliefs sont géants devant nous ! Et quel plaisir que d'envisager enfin d'y crapahuter, nous qui sommes montagnards avant d'être voyageurs. C'est pour nous le temps du décrassage après ces mois de bonne bouffe et d'arrosage houblonné à Montréal. 

Notre première randonnée de décrassage, 25 kilomètres, nous offre de précieux paysages... et de grosses courbatures !

Malgré notre petite expérience de la montagne, l'humilité est de mise dans ces montagnes qui ne sont pas les nôtres et que nous devons apprivoiser. De nombreuses règles sont à respecter et en particulier celles qui concernent la vie sauvage. La région est peuplée d'ours noirs et de grizzlis. Nous découvrons aussi que des couguars sont sur leur territoire ici. Les Rocheuses sont donc des montagnes où faire du bruit est une obligation. Nous croisons très peu de randonneurs sur les chemin que nous empruntons mais bien souvent, ils sont équipés de clochettes qui tintent tout en marchant. L'idée ici n'est pas de faire silence pour avoir la chance de découvrir un animal. Il est impératif de se manifester clairement à la faune pour qu'elle ne soit pas surprise. Ainsi, c'est éviter des comportements dangereux de la part des ours notamment. Pas question que nous soyons croqués ! 

Malgré tout le bruit que nous pouvons faire, nous découvrons encore une fois qu'ici la nature est reine... Les perdrix curieuses s'approchent à un mètre de nous, les écureuils et les petits suisses se manifestent à notre passage. Et nous pouvons observer sans empressement wapitis ou mouflons qui paissent paisiblement. Chaque animal est dans sa place, il n'a pas à fuir devant nous. De plus, si nous prenons les mesures de sécurité nécessaires, nous n'avons pas non plus à en avoir peur. 

On joue à cache-cache ?


Chaque nuit, nous entendons les coyotes qui hurlent dans les prairies de l'Alberta. Les écouter nous fait sourire car nous savons que nous ne craignons rien d'eux. Malgré tout, devoir descendre de la tente la nuit pour aller faire pipi reste une expédition pour nous et nous veillons l'un sur l'autre dès que nous nous éloignons l'un de l'autre dans le noir. 

Notre plus grande peur dans cette si belle montagne restera notre "Death Road" en Colombie Britannique. Elle restera aussi le souvenir de rencontres exceptionnelles dans notre difficulté, preuve que dans ce pays, les personnes sont conscientes de l'importance de s'aider les uns les autres dans ces immensités. C'est avec de la force que nous avons repris la route en direction de Banff où c'est l'hiver qui nous a accueilli ! Épisode hivernal de quelques jours avant l'heure, c'est un bon test pour nous, notamment concernant notre chauffage Eberspächer qui fonctionne comme il faut. Nous pouvons nous réveiller au chaud avec 20 cm de neige sur la voiture et mettre en route le chauffage qui prépare le moteur à démarrer. Même si nos corps doivent s'habituer au froid maintenant, prendre sa douche sous la neige n'est pas encore une partie de plaisir, c'est confortablement que nous prenons nos marques dans nos quartiers d'hiver.  


L'hiver nous accueille à Banff !


La neige ne nous empêche pas de parcourir la montagne et nous savons bientôt que nous pourrons chausser nos skis. Pour l'heure, quelques jours au milieu des bijoux des Parcs de Banff et de Jasper nous attendent encore. Puis il sera temps de prendre la direction du Nord, et en particulier d'Anchorage que nous avons à rejoindre, après 3000 kilomètres de route à travers la Colombie Britannique et le Yukon. 

En attendant la suite de nos aventures, découvrez notre album photo "Au cœur des Rocheuses Canadiennes".

A très bientôt !

Les Galopères

La "Black-Food Road", notre "Death Road" en Colombie Britannique


Tout commence alors le jour que nous appellerons N°1. La journée débute au bord d'une belle rivière à saumon. 


Ce petit havre paisible nous donne envie de faire notre lessive dans la rivière, d'ouvrir en grand nos portes pour ventiler notre petite maison mais surtout de prendre le temps. Dessiner pour moi, faire voler le drone pour Alexandre... Malheureusement, la journée commence par un crash et Alex est vite arrêté dans ses prises de vue aériennes. Rien de dramatique. Mais ce n'est que le début d'une suite de mauvaises passes...

Imaginez une jolie piste dans un cadre bucolique qui se déroule dans une petite vallée sauvage, de kilomètres en kilomètres, parfois traversée de ruisseaux étroits et dociles. La piste commence ensuite à descendre tout doucement pour croiser plus loin une autre vallée. Elle présente la roulabilité et la facilité de circulation d'une autoroute à véhicules tout-terrain... 


Ça, c'était avant le printemps 2013... La fonte des neiges, de grosses pluies ont alors gonflé tous les cours d'eau et les gens du coin se rappellent de dégâts jusqu'à Calgary... Comme dans les Pyrénées il y a un peu plus d'un an maintenant, les jolis ruisseaux tous doux sont devenus de véritables torrents destructeurs. Ce qui n'était qu'un petit lit à traverser est devenu un paysage complètement raviné, un amoncellement de roches et de morceaux de bois... 

Et c'est là que tout continue pour nous. Nous vivons notre première difficulté de la journée. Complètement posé sur l'arrière, la roue avant droite en l'air, notre Gaillard ne trouve plus d’adhérence pour grimper ce tas de cailloux... 




Mais nous arrivons à sortir notre 61 de ce mauvais pas à la fin du jour. Cette difficulté franchie, notre joie explose de s'être tiré tous les deux de ce tas de cailloux. Nous savons toutefois que nous ne pouvons plus retourner en arrière maintenant. Non seulement parce que nous n'avons pas assez de gazole mais surtout parce que nous ne pouvons plus faire demi-tour compte tenu de l'état du mauvais pas que nous venons de passer. Il est alors plus de 6 heures du soir, nous avons passé plus de 3 heures à nous sortir de là et nous sommes épuisés. Nous avançons un peu sur la piste pour nous trouver un endroit plat où nous pourrons ouvrir la tente et dormir avant de continuer dans la vallée qui descend. 

Cette vallée, on la regarde maintenant du fond en se disant que l'on n'est pas les bienvenus... Des sommets acérés de chaque côté nous regardent avec sévérité de leur plus de 3000 mètres de haut. Des brumes froides commencent d'ailleurs à traverser les cols pour descendre vers nous et nous envelopper. 


Nous trouvons très vite un endroit plat pour y passer la nuit... Mais ce n'est pas un choix. Tandis que nous descendons un peu sur la piste, nous voyons apparaitre devant nous un nouveau désastre d'un torrent violent. Il reste à cet endroit un pont en bon état, mais pour l'atteindre, un nouveau champ de rocs et de trous mais que nous ne pouvons pas traverser sur le moment. A première vue, un petit passage a été fait de la largeur d'un quad. Malheureusement, nos 1m80 de large ne nous permettent pas de prendre ce chemin délicat, d'autant plus qu'il est un peu déversant. Et la marche sur le flan n'est pas petite... Après constat de l'état de la voirie, Alexandre me rassure de suite : nous allons juste devoir pelleter une heure ou deux le lendemain pour aplanir le passage délicat et l'élargir suffisamment. Une fois le chemin sécurisé, notre Gaillard devrait passer sans problème. Donc pour commencer, nous décidons de dormir cette nuit en amont de la difficulté, prêts à en découdre le lendemain avec le terrain à grands coups de pelle.


Jour N°2 : A la première heure, après un bon petit déjeuner pour nous donner des forces, nous sommes prêts pour l'action. Nous voici alors reconvertis dans le service de voirie canadien ! Effectivement, efficaces nous sommes et un peu plus d'une heure après, notre HJ61 passe sans problème. Nous sommes heureux et soulagés d'avoir surmonté du premier coup cette nouvelle difficulté. La journée commence bien. 

http://youtu.be/jsxsPfimE2k


Malgré tout, malgré l'optimisme et presque l'euphorie suite à ces franchissements qui se terminent bien, nous ne perdons pas de vue que nous allons peut-être avoir de nouvelles surprises devant nous par la suite. Ce que nous ne savons alors pas, c'est que ces difficultés de passage ne vont faire qu'empirer par la suite jusqu'au point de devoir abandonner notre Gaillard en mauvaise posture pour aller chercher de l'aide dans cette nature hostile de la Colombie Britannique. 

Notre premier plantage la veille nous avait permis d'être réellement réactifs dans la recherche de solutions et dans la prise de décision pour se sortir du merdier. Les roues dégonflées pour augmenter la surface de contact sur les cailloux et ainsi favoriser l'adhérence. Les roues de secours, normalement fixées sur le pare-choc arrière, sont bien accrochées à l'avant pour limiter le poids de l'arrière-train du 4x4 et faire contrepoids en augmentant le poids à l'avant. Les plaques de désensablage de sortie, sangles et hi-lift utilisé comme tire-fort... 


Malgré la difficulté qui empire à chaque nouveau passage, nous arrivons à trouver assez vite une solution. Sans casse mais non sans angoisse, Alexandre prend le volant, met la courte et en avant, tandis que je le guide pour qu'il puisse positionner les roues correctement. 



Les marqueurs kilométriques le long de la piste qui descend diminuent progressivement du 56ème kilomètre au 48ème et nous évoluons régulièrement. Mais peu avant le 45ème kilomètre, le trou béant qu'à creusé le torrent l'année précédente semble infranchissable. A cran, suite à cette accumulation de situations délicates, j'explose ! Là ça en est trop ! Nous ne pourrons jamais passer ! Le chemin taillé que seul un quad peut prendre est bien étroit même si l'on veut creuser le flan de l'autre rive. Le scénario d'Alexandre au volant de notre compagnon de voyage s'engageant sur cet unique accès et basculant sur le côté dans le trou béant de 5 mètres défile dans ma tête comme un mauvais film... Non, ce n'est pas possible, cette montagne ne veut vraiment pas de nous ! Et pourtant c'est elle qui nous retient alors en son sein alors que nous ne voulons qu'une chose : nous sortir de cette vallée pour de bon ! Et pourtant, dans un nouveau sursaut d'optimisme, nous creusons quand même quelques heures de manière à élargir le passage et en faire un semblant de piste, tout juste large de 1m80... La largeur de notre Toyota à peine... 

Nous rapprochant au maximum du passage délicat, nous arrivons à maintenir l’arrière-train de notre Gaillard à l'aide d'une sangle et du Hi-Lift, tous deux fixés à un solide sapin au dessus et au pare-choc. Il est alors en sécurité et nous pouvons tout décrocher. Par contre, une tentative de montée fait basculer une roue en zone instable, sur le bord de la pseudo-piste. Nous n'avons alors plus qu'à y fixer la sangle et à l'aide du Hi-Lift essayer de remonter l'avant pour le mettre en place sûre. Tout doucement, à coups de cliquetis réguliers, nous essayons que tout soit dans l'axe mais plusieurs fois, tout semble nous échapper et reste toujours en tête le scénario catastrophe qui peut arriver si vite. 


Nous sommes alors loin d'être sortis de là et il se met alors à pleuvoir. De plus, avec la position de notre 61, le cul en arrière, l'arrivée de gazole ne se fait plus... Le coup de la panne... C'est plus que confirmé : nous allons faire une connerie si nous continuons comme ça tous les deux... Nous manquons de matériel, notre compagnon de voyage est en posture dangereuse... Rien de pire que de devoir abandonner en l'état le navire, mais nous devons trouver de l'aide sinon il restera dans cette montagne ça c'est sûr... 


Nous partons comme si nous ne pourrions pas revenir avant plusieurs jours... Il est 3 ou 4 heures de l'après-midi, nous savons quelle direction prendre et nous savons que nous allons devoir marcher longtemps car il est possible que nous ne trouvions pas âme qui vive avant un moment. Nous chargeons notre sac à dos de nos doudounes pour le froid, de toutes les barres de céréales que nous avons en stock et de toutes les lampes que nous pouvons emporter avec nous. Bien sûr, notre compagne depuis quelques jours déjà est embarquée avec nous d'office : la bombe à poivre pour se protéger des ours... Et nous voici côté à côte à marcher, en silence, sous notre parapluie qui nous protège un peu de la pluie battante... La nuit qui ne va pas tarder à tomber ne nous rassure pas tellement car nous sommes quand même au pays des grizzlis et des ours noirs. Nous suivons la piste à l’instinct en espérant ne pas faire de mauvaises rencontres.

Nous constatons en marchant qu'il n'y a plus par la suite de réelle difficulté sur la piste. Quelques passages ne sont pas très jolis mais nous ne trouvons rien de bien méchant par rapport à ce que nous avons réussi à passer, ce qui nous rassure malgré tout. En même temps, notre cœur se serre en pensant à notre Toyota abandonné. Au 39ème kilomètre, nous découvrons un pont. Le torrent a creusé une brèche entre la piste et le pont mais installer deux planches suffiront à traverser le vide. A cet endroit même, de nombreux panneaux indiquent que la route est fermée... Malheureusement, c'est de l'autre côté de la vallée que nous nous sommes engagés et rien n'était indiqué... 

Nous allons faire 16 kilomètres à pied sur la piste avant de trouver un campement. Arriver sur une piste qui semble régulièrement fréquentée, entendre un hurlement de chien et apercevoir des installations est un intense soulagement. Nous rencontrons alors Glen à qui nous expliquons notre trouble. Malheureusement ici, c'est un campement pour l'été et personne n'est équipé de pioches, de pelles et de système de levage qui nous permettraient de sortir notre Gaillard de cette foutue montagne... Une solution que nous soumet Glen : descendre à 35 kilomètres de là, à la petite ville la plus proche où nous pourrons contacter une personne compétente pour ce genre d'intervention. Glen se propose de nous descendre. Nous voyant épuisés après cette journée éprouvante, il s'empresse de nous apporter des cannettes de Canada Dry frais, de pommes et de barres de céréales réconfortantes. 

A Canal Flats, il est 20 heures quand nous arrivons. Glen saisit un annuaire et nous trouve les coordonnées d'une entreprise spécialisée dans le treuillage. Les mettant au courant, nous n'avons plus qu'à les re-contacter le lendemain pour s'organiser avec eux. Puis, il nous dépose sur le seuil d'une chambre d'hôte et comme il doit repartir vers son campement, nous le remercions chaleureusement. Le propriétaire doit venir nous ouvrir une demi-heure après. Nous aurons donc un toit pour la nuit tandis que la pluie ne faiblit pas... L'idée d'une nuit au chaud fait naître en nous une sensation de douceur mais tellement fragile car nos pensées restent vers la montagne malgré tout.

Karl, le propriétaire de la chambre d'hôte, arrive avec un peu de retard. Tandis qu'il nous ouvre les portes de notre refuge pour la nuit, il nous offre une oreille attentive lorsque nous lui expliquons notre situation. Pour s'excuser de son retard, il nous tend la bouteille de vin qu'il tient dans sa main et avec beaucoup de douceur nous conseille de nous reposer et de nous accorder une pause, comme si tout ne pouvait aller que mieux ensuite... Marvellous Adventures est le nom du vin... Ironie du sort, il nous aidera au moins à dormir un peu, peut-être... La nuit qui suit est épouvantable malgré cette énorme couette de duvet qui nous enveloppe tous les deux. Ni l'un ni l'autre ne pouvons dormir tellement les idées fusent dans notre tête. Et cette pluie qui ne cesse de tomber toute la nuit... 

Jour N°3 : Le jour commence... avec la pluie toujours... Comme convenu, nous prévenons la société de treuillage pour lui expliquer de nouveau notre situation. Une personne doit nous rejoindre à la chambre d'hôte, au moins pour lui montrer les photos que nous avons prises avant de quitter notre Gaillard et d'évaluer la faisabilité d'un plan. Karl nous rejoint pour que nous lui réglions la nuit et c'est là que la situation nous échappe alors... Vous connaissez ce sentiment lorsque ce n'est plus vous mais que c'est une personne qui prend en main votre situation ? Et bien là, Karl est alors particulièrement concerné, comme si lui aussi avait réfléchi toute la nuit. Il échange quelques idées avec la personne sensée nous dépanner. Malheureusement son camion est trop gros pour grimper là-haut. Cela reste toutefois une option et Karl nous embarque alors avec lui dans son gros pick-up Chevrolet. Dans la rue attenante, un groupe d'ouvriers sont en train de travailler à creuser autour d'une maison. Cette ville est à taille humaine et tous se connaissent. Karl pose une option avec eux pour faire monter une pelle si besoin. Le chef des ouvriers garantie alors que s'il y a besoin de bras en fin de journée, ils pourront monter nous aider. 

Il nous expose alors son plan : remonter ensemble là-haut mais surtout avec Dave qu'il nous présente comme étant un "vrai cow-boy du far-west avec un cœur d'or". C'est aussi une personne qui connaît ces montagnes mieux que personne. Nous partons à sa rencontre et il correspond exactement à la description de Karl. De plus, Dave situe exactement où nous sommes et lorsqu'il comprend que nous y sommes arrivés par l'autre côté de la vallée, il exprime un "wow" et nous fait comprendre que nous avons été très bons d'arriver jusque là... Karl et Dave parlent vite et notre anglais n'est pas assez bon pour comprendre tout du plan qu'ils échafaudent mais tout d'eux reflètent le fait qu'ils ont la situation en main. 

Un heure plus tard, nous repartons à 5 pour la "Black-foot Road" : Alex et moi bien accompagnés de Karl, Dave et Corey, lui même qui a créé les passages en quad sur cette maudite piste fermée. Karl a emporté son fusil et nous confie que là où nous sommes descendus à pied la veille est un coin qui regorge de grizzlis, de couguars et même de loups... Nous avons eu énormément de chance de n'en croiser aucun... A deux véhicules, nous arpentons la piste jusqu'au kilomètre 45. Dave et Corey, avec une efficacité impressionnante, sortent les pioches dès qu'un passage mérite d'être raboté un peu. Puis c'est au tour de la tronçonneuse de gronder dans la montagne dès qu'un tronc ose montrer le bout de son nez sur le bord de la piste. Et voici qu'enfin nous arrivons à l'endroit fatidique...


Un soupir de soulagement sort de nos poitrines lorsque nous découvrons notre Gaillard dans la même posture que la veille. Elle est toujours mauvaise mais elle n'a pas empiré. Ce que mettent ensuite en place Karl, Dave et Corey ne laisse pas l'ombre d'un doute et d'une hésitation s'immiscer. Pioches et pelles permettent d'élargir encore un peu la piste. A 5, tout avance beaucoup plus vite. Ils installent ensuite des planches au bord du vide, dans la longueur du passage délicat, les roues sont mises dans l'axe tandis qu'un tire-fort permet de le fixer aux deux arbres au-dessus. 







Ainsi, tout doucement, le 4x4 GMC de Dave en place devient ancrage pour tracter tout doucement, très doucement notre Toyota vers l'avant. Pendant ce temps, en fonction de son avancée vers le haut de la pente et en fonction du risque, sangles, tire-fort et Hi-Lift aident à retenir notre 61 pour lui éviter le dérapage dans le vide si présent. Jusqu'au bout en haleine, jusqu'au bout notre sort dans leurs mains expertes et expérimentées, nous retenons notre souffle tout en essayant de les aider au maximum. Et c'est au bout de 2 heures seulement que notre compagnon de route, notre maison, retrouve la sécurité sur ses 4 roues...


Dave et Corey repartiront chez eux tout aussi discrètement qu'ils sont rentrés dans notre vie, sans accepter le moindre remerciement. Pour eux, c'est normal de nous être venus en aide... Nous nous accordons une nouvelle nuit dans la chambre d'hôte de Karl, pour nous remettre de nos émotions. Nous le retrouvons le lendemain, les bras chargés de bouteilles de vin pour remercier ces 3 "very good guys"... Karl nous exprime alors qu'il a été très heureux de nous venir en aide et que notre rencontre a été un bon "karma". Quant à Dave et Corey, lorsque Karl est allé leur apporter le vin, c'est de la surprise et de la gratitude qu'ils ont exprimé... Amazing Canada... 

Quant à Glen, nous sommes remontés bien sûr à son campement pour boire cette bière que nous avions promis de partager avec lui si nous sortions notre Gaillard de ce mauvais pas. Glen, sa femme, ses 2 beaux-frères et ses 3 belles sœurs nous ont accueillis pour partager une soirée mémorablement belle et joyeuse. Nous les retrouverons cet hiver ! 



Et pour terminer l'histoire en détente, sachez que nous avions pris cette piste dans l'idée de nous délasser dans les eaux sulfureuses des sources d'eaux chaudes que l'on trouve dans la région. Nous devions y arriver sans problème le soir du premier jour... Et c'est jour 4 que nous nous glissons dans ces eaux thérapeutiques pour nos courbatures et le stress de ces journées éprouvantes !